La pêche au bleu !*


Embarquez avec
les pêcheurs de hareng en Mer du Nord

Crédits photos : Frédéric Briois

Crédits photos : Frédéric Briois

Quitter le port

Les lumières vertes et rouges du port scintillent lorsque nous nous glissons à travers l’embouchure du port dans la nuit hivernale. Un calme plat, vitreux s’installe ; les eaux de la Manche ont une couleur d’encre noire. Un brouillard glacé est suspendu et le froid pénètre nos os. On n’entend plus que les cris des mouettes et la vibration constante des moteurs.

L’équipe du MSC est sur la Glorieuse Immaculée, un chalutier pélagique de 23 mètres de Boulogne-sur-Mer, barré par Dominique Ramet. À cinquante mètres à tribord, le navire jumeau de la Glorieuse Immaculée navigue, la Glorieuse Vierge Marie. D’habitude, c’est Pierre, le frère de Dominique, qui est à la barre mais ce soir c’est son beau-frère David.

Un voyage nocturne

Les bateaux sont sortis en mer la nuit dernière, et reviendront demain aussi. C’est tout un mode de vie et une gestion durable des stocks de poisson que nous transmettons de génération en génération. À quelques milles au large des côtes françaises, d’énormes bancs de hareng argenté se regroupent pendant l’hiver. Depuis plusieurs générations, la famille Ramet sort en mer avec ses bateaux pour aller à leur rencontre.

« Mon grand père a introduit le chalut pélagique dans cette pêcherie dans les années 1950 et a fini par avoir 6 bateaux. Ma famille pêche depuis toujours depuis cette époque. »

Dominique Ramet, capitaine de La Glorieuse Immaculée

La pêche démarre

Les harengs sont partout. Nous sommes seulement à 3 milles au large quand nous nous mettons au travail. Nous pouvons encore voir les lumières de Boulogne à travers les nuages de brouillard : c’est étrange de penser à tous ceux qui sont restés là-bas, à l’abri dans leur maison, au chaud.

En mer, le paysage est différent. Ici dans l’obscurité glaciale, Dominique a trouvé le banc de poisson parfait, et l’équipage se met au travail quand la Glorieuse Vierge Marie lâche son chalut pélagique, une technique qui n'est pas en contact avec les fonds marins.

Les pêcheurs prennent des mesures pour minimiser leur impact sur l'environnement. Une technologie acoustique est utilisée pour localiser la position et la profondeur des poissons ciblés et le trajet des bateaux et des chaluts est ajusté en fonction.

Les quartiers du capitaine

La salle de commande de Dominique, qu’il a aidé à concevoir, ressemble à un cockpit de vaisseau spatial. Il y a au moins 15 moniteurs en face de lui, avec d’innombrables gadgets sur le tableau de bord, qui lui indiquent tout ce qu’il doit savoir sur la mer, la météo, le bateau et les poissons. Ils lui permettent aussi de pêcher avec une efficacité maximum, pour assurer la durabilité des stocks sur le long-terme : il peut cibler le banc de harengs le plus gros et le plus dense sans risquer des prises accessoires involontaires, c’est une des pêches les plus sélectives au monde ! Il pêche au chalut pélagique, ce qui veut aussi dire que le fond océanique n’est pas endommagé et que les oiseaux et autres animaux marins ne sont pas mis en danger.

Pour Dominique, son travail dans cette pêcherie durable fait partie de quelque chose de plus grand.

« Au large, on se sent libre.Tu fais partie de la nature, il y a un sentiment de bien-être. Aller pêcher, c’est vraiment dans notre ADN, nous le faisons depuis toujours. »

Dominique Ramet

Crédits photos : Frédéric Briois

Crédits photos : Frédéric Briois

Nous nous approchons, prenons un câble, prenons le large côté bâbord, attrapons le filet grand ouvert pour que les harengs ne puissent pas s’échapper.

La pêche dure quelques minutes. Davantage et nous risquons de perdre le chalut et le volume total de harengs avec. En ce qui semble très peu de temps, nous avons fini. Un énorme filet en forme de saucisse rempli de poissons traîne derrière la Glorieuse Vierge Marie.

Les mouettes deviennent folles. Des centaines d’entre elles, d’un blanc lumineux, crient dans l’obscurité, éclairées par les lumières puissantes des bateaux.

Dominique décide de relâcher quelques poissons toujours vivants avant de remonter le reste à bord. Il a une commande de 50 tonnes, et il sait à quoi cela correspond dans un filet. Pas besoin de pêcher plus s’il n’y a pas de demande. Il y en aura sûrement demain ou après-demain, et c’est une des raisons pour lesquelles cette pêcherie est durable.

Les leviers sont tirés, les trappes ouvertes, les treuils sont en marche. Il n’y a rien de semblable sur Terre. Un membre d’équipage attrape le filet rempli, l’ouvre, et des milliers et des milliers de harengs argentés se déversent dans la cale. On répète ensuite l’opération et des milliers de poissons se déversent en plus. Puis encore des milliers, et encore…

L'opération continue. Le poisson se déverse dans la Glorieuse Vierge Marie, deux tonnes par deux tonnes. Dominique décompte la cargaison, et atteint une douzaine. Quand elle est pleine à ras bord, on prend la relève sur la Glorieuse Immaculée. Cela s'appelle la technique du chalut-boeuf, deux chaluts travaillent ensemble côte à côte, en paire.

Le filet est finalement vide, et le bateau est plein. Les hurlements des mouettes se finissent aussi. Il est temps de rentrer au port.

Crédits photos : Frédéric Briois
Crédits photos : Frédéric Briois
Crédits photos : Frédéric Briois


En avant pour le débarquement

Les bateaux déchargent leurs énormes caisses de harengs. Un chariot élévateur transporte la cargaison vers l’entrepôt, prête à être emmenée en camion dans les usines et ensuite vendue en France, en Allemagne et aux Pays-Bas.

C’est en 2014 que cette pêcherie de hareng, grâce au soutien de l’organisation de producteurs From Nord, a obtenu la certification MSC pour ses pratiques de pêche durable.

C’est une preuve que les 5 bateaux de cette pêcherie ont une gestion durable de la ressource, respectent les quotas de la commission européenne mais aussi l’environnement marin. Une reconnaissance méritée qui permet aux pêcheurs de valoriser leurs captures avec le label bleu du MSC.


Finalement, nous avons terminé à 2 heures du matin.
Pour les membres de l’équipe du MSC, c’est une nuit dont ils se souviendront longtemps. Pour les marins du chalutier, c’était juste un mardi, et ils passeront la même nuit mercredi, et sûrement jeudi aussi, comme leurs pères et leurs grands-pères avant eux.


Leurs familles attendent leur retour à la maison, comme toutes les familles l'ont toujours fait, et ils retournent à la maison après une longue nuit de travail.

En savoir plus

Découvrez en vidéo le portrait de Pierre Ramet, pêcheur de hareng à Boulogne-sur-Mer dans la série "Des pêcheurs sachant pêcher" !